En plus de sa rencontre avec le chef de l’Etat et ses rapports avec ses pairs de l’opposition, l’ancien Premier ministre Sidya Touré est largement revenu sur l’arrestation en 1998 à Pinè de Alpha Condé, alors opposant au régime en place.
Ils dénonce d’anciens proches de Conté devenus aujourd’hui proches de l’actuel président et bien d’autres qui, dit-il, tentent de revenir aux affaires.
Lisez :
« J’ai été trois ans Premier ministre de Lansana Conté. Nous avons discuté pour deux choses. La première chose, c’était à cause du courant électrique. Les gens sont allés lui dire que le groupe électrogène que j’ai envoyé n’était pas bon. Il s’est fâché. C’était la première fois, depuis que j’étais au gouvernement que le président a élevé le ton. Parce qu’on lui avait rapporté que ce groupe était pourri et qu’on avait gaspillé l’argent du pays. Je lui ai dit, regardez le contrat de ce groupe. J’ai demandé à tes ministres de signer, ils l’ont fait. Ils n’ont rien dit. Ce jour, on a fait venir une société anglaise, la plus réputée au monde. La Guinée a envoyé 100 mille dollars pour examiner ce groupe. Après avoir déposé le rapport, ils ont dit qu’ils étaient prêts à les reprendre. Tellement ils bons. Et l’affaire était classée.
La deuxième fois, c’était en décembre 1998 quand on a arrêté Alpha Condé. On a arrêté Alpha après les élections. Le président a dit, envoyer le dossier chez le Premier ministre. Il y a beaucoup de gens, je ne veux pas les citer, mais ils se connaissent, on les a envoyés chez moi avec le ministre de la Justice Zoglèlèmou. Je dis qu’est-ce qui se passe ? On me dit Alpha a été arrêté à Pinè. Je dis mais Pinè c’est où ? On me dit c’est à la frontière. J’ai demandé là où il se trouve. On m’a dit, il est à Koundara. Je dis mais vous vous foutez de moi. Vous avez dit qu’il est à Conakry, maintenant on me dit qu’il est à Koundara. Ils me disent non Monsieur le Premier ministre, il y a un camp ici qu’on appelle Koundara. Il est là-bas. Je demande ce que je devais faire. On me dit, le président a dit de venir avec le dossier chez toi pour que tu puisses donner une direction. Je demande ce qu’il a fait pour être arrêté? On dit qu’il voulait franchir la frontière. Je dis le président a signé un décret qui dit que pendant la période électorale, on ne traverse pas la frontière. C’est un décret d’interdiction de sortie. La loi dit le citoyen qui s’approche de la frontière, on doit le retourner. On n’a pas dit qu’il faut le mettre en prison. Je dans ce cas, vous le ramener en Guinée, vous le relâcher, c’est tout. On dit non, on a dit de l’arrêter. Je dis dans ce cas, je ne discute pas de ce dossier. Je leur ai dit d’envoyer le dossier, afin que j’aille moi-même rencontrer le président.
J’ai été voir Conté vers 17h. Je lui ai dit que le dossier n’était pas un bon dossier. Il me dit comment. Je dis conformément au décret, on devait le retourner que de l’envoyer en prison. Il me dit non, il y a un autre problème. Je dis dans ce cas, on saisit le tribunal, mais si c’est pour la sortie du territoire, ça ne marche pas comme cela. Je lui ai dit pour deux raisons, je te demande d’abandonner cette affaire. Premièrement, la loi n’est pas avec nous dans cette affaire. Deuxièmement, sur le plan international, nous sommes en 1998, ton deuxième mandat, on ne parlera que de ça. Il dit Comment ? Je dis c’est comme cela la vie, on dira partout dans le monde que tu détiens un opposant et tu ne pourras plus rien faire.
En général, le président, quand vous êtes à deux, il ne s’enflamme pas. Il a dit dans ce cas, amenez le dossier en conseil. Je vous dis tout cela pour que vous puissiez savoir la fourberie du Guinéen. Si quelqu’un peut dire le contraire, qu’il vienne détailler. Nous sommes allés au conseil des ministres où il y avait 20 membres. Tous ceux qui s’agitent aujourd’hui étaient là-bas. J’étais à côté du président à droite. Il dit, le Premier est venu me voir, il ne veut pas qu’on parle d’arrestation. Je veux savoir ce que vous en pensez. Il dit je commence à ma gauche. Tout s’est gâté là. Celui qui prend la parole dit, il faut le condamner, d’autres disent, il faut l’enfermer, il faut faire ceci et cela. Les Saran Daraba sont là, elle est témoin. Tout le monde est intervenu. A mon tour, le Président a dit et le Premier ministre. Je dis président, ce que j’ai dit hier, je le maintiens. Légalement, on n’a pas raison. Deuxièmement, sur le plan de la communication, ce n’est pas bon pour le gouvernement. C’était les deux questions qui m’ont opposé au président Conté.
Ceux qui y étaient et ceux qui étaient hors de la salle, ce sont les mêmes qui sont assis là-bas aujourd’hui (ndlr à côté du président). Ils disent qu’ils défendent Alpha Condé ».
Par ailleurs, sans pour autant nommer quelqu’un, Sidya Touré a abordé le cas d’autres personnes dont les comportements ont contribué à appauvrir la famille Conté après la mort de ce dernier. De même que ceux qui ont induit Dadis en erreur, qui ont servi Konaté et qui veulent encore servir Alpha Condé
« J’ai vu une femme dedans qui se dit femme d’affaires et qui a passé son temps derrière le président Conté. Mais qui n’a pas hésité, le moment venu, à enjamber son cadavre pour aller déshériter ses enfants qu’on lui avait confiés. Tout se passe ici, les gens qui devaient être poursuivis. La famille Conté est là appauvrie. Ce qu’elle a pris, elle est allée garder ailleurs. Mais quand tu les vois parler de la Guinée, tu vas dire que ce sont eux qui développent ce pays. C’est dramatique pour le pays.
Il y a une autre personne, je me rappelle, le 28 septembre 2009, à 1h du matin, quand le capitaine Dadis m’a appelé pour me demander si on pouvait ne pas faire la marche de l’opposition ce jour, c’était avec le téléphone d’un de ses conseillers qui était à côté de lui, qui passait son temps à l’exciter. Chaque fois que je disais quelque chose, c’est lui qui disait non, ce n’est pas bon, on doit respecter l’autorité de l’Etat. Je l’ai vu après conseiller de Konaté. Après, j’entends que ces gens-là donnent encore des leçons à la Guinée. Ils veulent maintenant être conseillers d’Alpha Condé. Le jour où on devra discuter de ces questions, j’espère qu’il aura ce procès, on pourra témoigner pour savoir ce qui se passe dans ce pays ».