Hier samedi 2 janvier 2016, deux décrets du président de la République, le professeur Alpha Condé ont été lus sur les ondes de la Radio nationale. Le premier décret portait nomination de monsieur Sidya Touré président de l’Union des Forces Républicaines(UFR) au poste de haut représentant du chef de l’État. Quant au second décret, il portait sur la nomination de monsieur Jacques Diouf ancien patron de la FAO au poste de conseiller spécial de la République.
Suite à ces deux nominations, celle de monsieur Sidya Touré continue de susciter d’innombrables interrogations sur sa signification. En un mot, quelle compétence recouvre le poste de haut représentant du chef de l’État ?
Cette question que la majorité des Guinéens se pose ne peut être répondue avec exactitude faute de toute communication sur la compétence dévolue au haut représentant du chef de l’État étant donné que ce poste vient juste d’être créé par la seule volonté du président de la République. Faute de connaitre la compétence liée à ce poste, il ne nous reste qu’à définir le mot « représentant », qu’il faudra ensuite placer dans le cadre du fonctionnement des institutions constitutionnelles.
Selon le vocabulaire des termes juridiques GERARD CORNU, « le représentant c’est celui qui agit par représentation au nom, à la place et pour le compte du représenté (avec le pouvoir de l’engager) ».
Pour ceux qui ne disposent pas de dictionnaire des termes juridique, le dictionnaire LAROUSSE aussi donne la même définition avec d’autres termes à savoir « le représentant c’est une personne qui a reçu pouvoir d’agir au nom de quelqu’un, qui accomplit des actes au nom et pour le compte de quelqu’un.. ». En substance, les deux définitions du mot « représentant » vont dans le même sens.
Avec cette définition, on comprend que le « haut représentant du chef de l’État » a au moins pour fonction de représenter le président de la République et que celui qui représente un puissant est aussi puissant, même si sa représentation ne se limite qu’à un seul domaine de compétence du chef de l’État. Mais, une autre question reste sans réponse à savoir, dans quel domaine remplacera-t-il le chef de l’État ? Cette question aussi renvoie à la question sur l’étendu de sa compétence ? Est-il un super Ministre ou vice-président (comme le disent certains) ? On peut dire qu’il n’est pas un super Ministre du fait que la structure du gouvernement récemment publiée ne comporte pas ce poste.
Est-il un vice-président ? Même si la réponse négative s’impose, il est intéressent de faire le parallèle entre les deux fonctions.
Il faut rappeler que le poste de vice-président est rarement prévu par les constitutions des pays francophones. Les deux cas que nous connaissons à savoir le Burundi et la RDC ont été accidentellement introduits pour les besoins de réconciliation nationale suite à des conflits armés dont les résolutions exigeaient le partage du pouvoir.
Les pays qui prévoient le poste de vice-président sont essentiellement anglophones et d’Amérique Latine.
Dans les pays dont la constitution prévoit le poste de vice-président, États-Unis et le Ghana par exemple, ne dotent pas ce dernier de pouvoir exécutif propre. Sa fonction essentielle est de remplacer le président de la République en cas d’absence et surtout en cas d’empêchement (décès et de démission) c’est le vice-président qui succède au président de la République. Pour le reste, il est dans la même situation qu’un représentant du chef d’État, dont l’étendu du pouvoir dépend de la volonté du chef d’État.
Quant au poste de haut représentant du chef de l’État, bien qu’inconnu de nos textes constitutionnels, il est évident que ce n’est pas la première fois que notre pratique constitutionnelle induit des postes de haute responsabilité qui n’étaient pas prévus par la constitution. En 2005, le feu président Lansana Conté avait nommé monsieur Fodé Bangoura au poste de secrétaire général chargé des affaires présidentielles. Ce poste n’était pas prévu par la constitution guinéenne de l’époque, mais, par la volonté du président Conté, monsieur Fodé Bangoura était doté de pouvoir qu’aucun premier Ministre guinéen n’a encore eu. Il en a été également ainsi de la nomination de monsieur Sidya Touré au poste de premier Ministre en 1996. Ce poste aussi n’était pas prévu par la constitution de l’époque. Monsieur Touré tenait son pouvoir du président Lansana Conté et non pas directement de la constitution. Pourtant, avant que les mauvaises langues de fassent leur travail, il bénéficiait de large pouvoir par la seule volonté du Président. Ce qui lui avait permis de laisser un bon souvenir à ses compatriotes en matière de gestion de la chose publique.
Pour répondre à la question sur le pouvoir du « haut représentant du chef d’État », les définitions et constats ci-dessus mentionnés nous démontrent que le pouvoir du haut représentant du chef d’État dépend du bon vouloir de ce dernier qui peut se faire représenter quant il veut et dans l’exercice des compétences qu’il souhaites. Ce qui veut dire que, le haut représentant peut être doté de pouvoir exécutif insignifiant de même qu’un vice-président, comme il peut disposer de pouvoir exécutif beaucoup plus important qu’un vice-président. Tout est question de la volonté présidentielle. La grande différence est que, contrairement à un vice-président, le haut représentant du chef d’État ne peut en aucun cas, remplacer le président de la République en cas de démission ou de décès de ce dernier.
Il est important de signaler aussi que, le fait que le haut représentant du chef d’État n’est pas membre du gouvernement, la démission de ce dernier n’a aucune incidence sur son poste.
Makanera Ibrahima Sory
Juriste d’Affaires et d’entreprise
Fondateur site leguepard.net
Contact : makanera2is@yahoo.fr