Le deuxième mandat du Président Alpha CONDE parait innovant avec la création d’un ministère en charge de l’unité nationale et de la citoyenneté, mais différemment interprétée. C’est la démocratie qui le veut comme ça ! Si pour les uns, l’unité nationale ne se décrète pas, cependant, lui accorder une place ministérielle c’est manifester la volonté de voir les guinéens agir dans l’unisson pour la réalisation des objectifs nationaux du développement durable de la Guinée. Des deux points de vue, nous souscrivons à la médiane. C’est dans cette optique que nous comptons apporter d’abord notre contribution à la compréhension des thèmes de l’unité nationale et de la citoyenneté, ensuite montrer la nécessité de leur promotion dans un Etat marqué par une fragilité grandissante et, enfin passer en revue les mécanismes indispensables à la consolidation de ces valeurs consubstantielles au développement socio-économique de la Guinée. Telle est l’épine dorsale de notre modeste contribution.
Comprendre l’unité nationale et la citoyenneté commande de les analyser séparément. L’unité nationale en elle-même peut constituer pour son développement un article et même un livre, cependant nous nous bornerons, ici, à l’extrême. Elle s’identifie comme un stade où les individus d’un même espace géographique réalisent leurs défis communs et se décident d’y parvenir à l’unisson. L’unité nationale c’est aussi le niveau de l’entrée d’un peuple en politique, car entrer en politique c’est passer des microsociétés à la macrosociété. Ce passage ne va de soi, il exige le concours de tous les acteurs du système sociétal, des autorités gouvernementales à la société civile en passant bien évidemment par les partis politiques. A ce niveau, le soutien de la communauté sous-régionale, régionale et même internationale est indispensabilité dans un contexte de transnationalisation des menaces. En clair, l’unité nationale est assurée quand les uns et les autres s’acceptent dans leurs diversités de tous genres pour accorder la précellence à l’intérêt national au détriment des intérêts individuels. La citoyenneté quant à elle, a fait et continue de faire couler beaucoup d’encres. Mais pour contourner toutes ses littératures, nous pouvons l’appréhender comme l’appartenance à une communauté politique organisée autour de l’Etat. A cet effet, elle constitue une collectivité à laquelle doivent s’identifier les citoyens et s’y reconnaitre à partir de concepts et surtout de valeurs fédératrices forgeant leur spécificité. Cette collectivité ainsi créée partage une valeur importante qui est celle de la nationalité avec des citoyens patriotes et non nationalistes. Une politologue américaine interrogée sur les similitudes entre patriotisme et nationalisme, a répondu : « le nationalisme, c’est la haine des autres. Le patriotisme, c’est l’amour de son pays. » Ce faisant, la citoyenneté doit inéluctablement aboutir à la conscience étatique (c’est une notion développée par Mwayila Tshiyembé pour désigner le dépassement des subjectivités et l’accession vers la civilité dans les rapports entre les individus dans l’Etat. il s’agit d’un idéal auquel ce dernier aimerait voir l’Afrique parvenir). Elle exprime en définitive le vouloir vivre ensemble dans la différence (c’est une notion aussi développée par Dénis Maugenest en des termes le vivre ensemble malgré tout), qui prime et fédère le peuple dans son ensemble. A la lumière de ces deux considérations, nous soutenons l’idée de leur consanguinité quant à la réalisation des objectifs du développement durable de la Guinée. Cependant, la citoyenneté a préséance sur l’unité nationale car c’est lorsque le vivre ensemble aurait atteint son paroxysme que les problèmes nationaux connaitront pour leur résolution l’implication de tous sinon de la majorité. A ce niveau, sommes-nous en droit de s’interroger sur les raisons de la création de ce nouveau département ministériel dans toute l’histoire institutionnelle de la Guinée.
Si, le développement socio-économique et politique à travers la relance économique, la création d’emploi, la lutte contre la pauvreté et la corruption, la construction d’infrastructures de développement, l’institutionnalisation de la gouvernance sécuritaire, l’instauration d’un Etat de droit démocratique constituent les défis du second mandat d’Alpha Condé, il va sans dire que cela nécessite l’inclusion de tous les acteurs à la fois nationaux et internationaux dans le processus. Mais le paysage social et politique de la Guinée est marqué par des frustrations, la méfiance des uns envers les autres. Bref la déchirure sociale est accrue en Guinée du fait des politiques. Les frustrations sont pour l’essentiel nées de la privatisation de la violence par les autorités politiques du premier mandat à travers le transfert de certaines missions d’établissement de l’ordre au militaire. La méfiance entre les guinéens est aussi l’œuvre instrumentale des politiques qui y trouve leur appât. Dans de tel contexte aucun soutien international consistant ne peut concourir au développement. Tout développement passe inévitablement par la paix et la sécurité. Si la sécurité se doit être effective de par l’instauration de l’Etat de droit, c’est dire qu’il est une responsabilité de l’Etat envers sa population mais la paix, c’est l’effort inlassable de chacun de nous à travers la promotion des valeurs du pardon, de la tolérance, de la non violence, de la solidarité. Réaliser, ainsi, le développement durable de la Guinée nécessite pour les nouvelles autorités guinéennes la réunion de certaines considérations préjudicielles à l’instauration de l’Etat de droit démocratique. C’est dans cette logique que l’idée de la création d’un ministère en charge de l’unité nationale et de la citoyenneté peut émerger. Dès lors, la réussite du second mandat du Président Alpha Condé dépend énormément des travaux réussis de ce ministère. Cependant, l’analyse de la loi des finances à venir nous permettra de mesurer le niveau de l’engagement des autorités guinéennes à l’unité nationale et à la promotion citoyenne en Guinée et la probabilité de réussite dudit ministère. En attendant la loi des finances et le programme de terrain dudit ministère, nous pouvons modestement faire des contributions pour la réussite de ce projet car nous restons convaincus qu’il est au cœur de l’avenir de notre pays.
Construire ou reconstruction l’unité nationale en Guinée et promouvoir la citoyenneté c’est accepter de se lancer vers le développement durable inclusif du pays à travers l’instauration de l’Etat de droit démocratique, la révision de la réforme du secteur de la sécurité, la relance économique (à travers la création de l’emploi, des infrastructures de développement). En amont de tout ceci, le département se doit de promouvoir l’approche inclusive dans l’élaboration des causes du mal à l’unité nationale et à la citoyenneté. Elaborer les causes du mal, c’est trouver les solutions à l’unité nationale et à la citoyenneté. Toutefois l’élaboration des solutions-programmes doit lier le triptyque sécurité, développement et gouvernance. C’est un travail de terrain. Cependant, pour notre apport, nous privilégions le nécessaire besoin de créer un climat de confiance, d’utiliser les canaux démocratiques, de puiser dans les trois cadres de la réconciliation à savoir la pensée, le champ politique et l’histoire pour assurer l’unité nationale et la citoyenneté en Guinée. En effet, la création d’un climat de confiance se réalisera dans la révision de la réforme du secteur de la sécurité (RSS). Les différents événements que le pays ait connu nous fondent à dire que la réforme fut un échec. L’analyse du livre collectif de Mohamed Tétémadi Bangoura et Dominique Bangoura nous amène à observer un « parent pauvre » dans le dispositif sécuritaire guinéen, c’est la sécurité humaine. La révision de la RSS doit tenir compte de ce paradigme nouveau des Relations internationales en se concentrant sur ces principaux défis que sont la protection et l’habilitation des individus. Protéger les individus dans le cadre de la sécurité humaine en RSS c’est s’attaquer aux sources de pauvreté et assurer le respect des droits de l’homme en garantissant une protection effective des minorités, en luttant contre l’essaimage des conflits interethniques(comme ceux auxquels nous avons assisté dans la Guinée orientale), en renforçant la démocratie, en consolidant le rôle et la capacité de participation des sociétés civiles dans le processus de décision et enfin, en luttant contre la corruption. Telles sont les suggestions d’Edouard Epiphane Yogo auxquelles nous souscrivons entièrement eu égard à la réalité guinéenne actuelle. S’agissant de l’habilitation des individus, elle favorise la pleine participation directe ou indirecte de la population dans la gestion des affaires publiques du pays. La protection et l’habilitation des individus sont, selon nous, les principales pistes à aller l’unité nationale et à la citoyenneté par le biais de la promotion d’une approche par le bas. La deuxième vague de démocratisation de la Guinée, puisque la première des années 90 fut un échec, est le lieu de la consolider en utilisant ces canaux pour assurer l’unité nationale et la citoyenneté. Il s’agit essentiellement de recourir à la négociation et à la conciliation ou encore au compromis. Le compromis nous semble ce qui manque aux politiques guinéens, pourtant il est une modalité démocratique. Le compromis doit être mis à contribution dans la construction de l’unité nationale et de la citoyenneté en Guinée car la démocratie est elle-même l’art du compromis. Le compromis permet d’avoir la paix, de partager, d’éviter l’exclusion et en somme de créer les conditions d’un débat sain et nécessaire à la prise de conscience. A ce titre, la culture politique du compromis doit être promue pour déboucher sur des compromis viables et raisonnables et ne doit pas être un simple marchandage garantissant uniquement la satisfaction des intérêts égoïstes des acteurs politiques et des groupes d’intérêts au détriment de l’intérêt général. L’utilisation des canaux démocratiques permet aux observateurs d’apprécier le niveau d’encrage démocratique des Etats où ils sont utilisés. La démocratie, en vérité, a besoin des hommes et des femmes qui, en la vivant en eux, la font vivre pour tous. C’est pourquoi l’inscription de la culture politique dans les programmes de formation est plus qu’indispensable en Guinée. Assurer l’unité nationale et la promotion de la citoyenneté, c’est aussi puiser dans la pensée, le champ politique et l’histoire du pays des mécanismes pour sa réalisation. La Guinée est une partie de l’empire du Mali dans lequel les filiations en termes de parenté à plaisanterie sont abondantes. Les parentés à plaisanterie constituent la phase traditionnelle, et propre à la réalité guinéenne pour aller à l’unité nationale et à l’encrage des valeurs citoyennes. Dans le cas d’espèce, la déchirure entre les Malinké et les Peulh trouveront ici satisfactions pour le salut des mémoires des ancêtres. L’histoire nous enseigne que dans l’Etat théocratique du Fouta Djalon la deuxième femme de l’Imam (Chef) venait forcément du pays « Malinké » et vice versa. Il y a ici un enseignement à tirer. Nos ancêtres à travers cette régulation sociale comptent prévenir les conflits intertribaux. Donc, à la vérité, les Malinké sont les oncles des Peulh et vice-versa. Le dialogue interculturel est ici atteint. Alors, les nouvelles autorités doivent se plonger dans la pensée, le champ politique et l’histoire pour accéder à l’unité nationale et à la citoyenneté car le mal est plus profond. Le travail s’annonce déjà périlleux mais pas impossible.
En conclusion, la création d’un ministère en charge de l’unité nationale et de la citoyenneté, bien vrai que de telles mesures ne se décrètent pas, mérite d’être saluée. Car elle marque la volonté des autorités politiques actuelles à amorcer un vrai développement durable pour la Guinée et les guinéens. A cet effet, tout le monde se doit de s’investir à la réussite de ce projet duquel tous les autres projets se greffent. L’unité nationale et la citoyenneté constituent pour la Guinée, et cela a bien été perçu par les autorités gouvernementales, les variables indépendantes à son développement socio-économique et politique.
Fodé BALDE
Chercheur-Associé au Centre Africain d’Etudes Stratégiques et de Relations Internationales (CASRI)
Membre Fondateur du Mouvement Sauvons la Guinée
Secrétaire Général chargé à la Formation et à la Promotion Scientifique de l’Association des Elèves et Etudiants Guinéens en Côte d’Ivoire (AEEGCI)
2ème Coordonnateur National du Réseau des Etudiants de Science Politique en Côte d’Ivoire (RESPO-CI)
(00225) 08 77 82 44/55 55 38 31