Attention danger : la marginalisation des peuples de la Basse-Guinée
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Nous aimerions expliquer à nos aimables lecteurs que nous n’avons aucunement l’intention de remettre en cause l’unité nationale ainsi que le vivre ensemble dans notre pays.
Cependant, notre rôle consiste aussi à nous dresser avec virulence contre toute forme d’entrave aux droits et libertés de nos compatriotes et ce, quelque soient leurs appartenance tribales, régionales ou religieuses. C’est dans ce cadre que nous nous sommes penché sur le cas de nos compatriotes originaires du littoral, plus connu sous le vocable de basse Guinée, Guinée-maritime ou encore basse-cote. Région regroupant plusieurs ethnies: les bagas,les sousous,les nalous, les landoumas, les teminés, les mikhiforés etc. Nous avons ainsi donc, fait une analyse des injustices infligées à ces populations par tous les régimes qui se sont succédés à la tête de notre pays depuis notre indépendance. Les hommes politiques de notre pays ( y compris ceux qui sont originaires de la région) qui ne se servent de ces populations que pour conquérir le pouvoir ou pour le conserver, tout en les enfonçant dans l’abîme de la régression sociale. Ces habitants qui ont connu de longues périodes d’épanouissement culturel, social et économique avant la colonisation et sous la colonisation, sont les principales victimes de la gestion chaotique de l’Etat depuis près de 60ans.
La basse Guinée, région accueillante et hospitalière par excellence, regroupant l’essentiel des richesses produites dans notre pays (90% de l’activité économique), voit sa population marginalisée par les différents régimes qui se sont succédés à la tête de notre pays. Elle qui, jadis sous la période coloniale abritait une population locale de chef d’entreprise agricole notamment des planteurs. Des plantations de bananes, d’ananas, de pastèques etc, qui faisaient travailler des compatriotes d’autres régions du pays, elle possédait également une intelligentsia formée dans de très bonnes écoles. L’opération de sape de la région a débuté dès les premières heures de notre indépendance, par le sabotage de ces plantations et l’arrêt de l’exportation des produits agricoles. Ce qui constituaient à cette époque l’une des principales sources de revenus des habitants de la région. Ensuite des intellectuels de la région tout comme ceux d’autres régions de notre pays furent décimés ou contraints à l’exil. Au fil des décennies et des régimes, aucune politique n’a été envisagée pour l’amélioration des conditions de vie de ses habitants, le développement de la région ne faisant pas non plus partie des priorités des gouvernants. Pire, l’Etat a organisé la spoliation des habitants de la région en légalisant celle ci par le biais du code foncier, aussi en organisant délibérément une paupérisation de ces peuples afin de les contraindre à brader leurs propriétés.
A) La Spoliation légalisée par l’Etat par le biais du code foncier:
Il existe une incongruité dans le code foncier de notre pays qui dit en substance que la terre appartient à l’Etat. Alors que le droit de propriété est sacralisé dans la plupart des pays du monde, son titulaire l’exerce de façon absolue et exclusive. Il a ainsi donc le droit d’user, de profiter et de disposer du bien dont il est le propriétaire dans les limites fixées par la loi. L’Etat a la possibilité de procéder à l’expropriation administrative uniquement pour cause d’utilité publique et en ayant au préalable procédé à l’indemnisation de la personne à exproprier. Le droit de préemption est aussi conféré à l’Etat, Ceci lui permet d’acquérir en priorité un bien au cas où son propriétaire manifeste l’intérêt de le vendre. Notre code foncier constitue un permis de spolier attribué aux gouvernants. Profitant de cette faille légale, certains d’entre eux continuent encore d’exproprier des habitants de la région, non pas pour des raisons d’utilité publique mais plutôt à des fins personnelles.
B) la spoliation par une politique délibérée de paupérisation des populations:
Dans le cadre de la lutte contre les inégalités sociales, une partie du fruit de l’exploitation économique de la région: l’exploitation maritime( ports et ressources halieutiques), aéroportuaire, minière et agricole aurait dû être redistribuée à ces populations afin de pouvoir financer un certain nombre d’activités génératrices de revenus tel que des coopératives artisanales, des petites et moyennes entreprises (PME)-des petites et moyennes industries (PMI) ou encore des formations professionnelles pour les jeunes. Ce qui aurait permis à ces citoyens de notre pays de vivre dignement sur « leur terre ». Hélas, la gabegie financière érigée en système de gouvernance condamne une partie de ses populations à la misère, les contraignant à brader leur espace vital urbain, périurbain et rural à des prédateurs de l’économie et aux privilégiés du système, qui se ruent tel des vautours sur des domaines des personnes fragilisées par le système. Des propriétés obtenues à des prix dérisoires, largement inférieurs à la valeur des biens acquis. Une fois qu’ils aient obtenu ces biens, certains de ces nouveaux acquéreurs dans une certaine forfanterie, font de l’ostentation en narguant les anciens propriétaires et aussi leurs nouveaux voisins c’est à dire la population locale, en les assénant de paroles violentes. Ce n’est pas une hyperbole que de dire qu’il s’agit d’une humiliation.
Ces scènes sont quotidiennement vécues par ces populations à Conakry et aussi dans d’autres localités de la région. Quant aux hommes politiques et autres notabilités de la région, au lieu de défendre le droit pour ces personnes de vivre dignement, ils s’illustrent par la flagornerie, se muant en éternels faiseurs de roi ou en rabatteurs d’électeurs, contribuant ainsi à accentuer ce gouffre en réduisant ces populations à la quête de l’alimentaire. D’ailleurs ces dernière années, ce sont eux qui sont en première ligne pour distribuer des sacs de riz et quelques billets de banques à une partie de ces populations à ce effet. Des attitudes qui n’honorent pas du tout la région et surtout contribuent à hypothéquer l’avenir de ses enfants.
Par conséquent, à partir du moment où notre pays s’est engagé sur la voie de la démocratie, celle ci ne doit pas seulement être subordonnée à l’organisation d’élections. Une société démocratique, c’est aussi une société dans la quelle existe la justice sociale. Le cas précité constitue une véritable bombe à retardement. L’accumulation d’injustice conduit à la révolte. Comme le dit Dom Helder Camara, évêque catholique brésilien (1909-1999): « l’injustice est la mère de la plupart des violences ». Il est donc impérieux pour l’Etat de trouver une solution à cette situation.
Sylla Abdoul, membre de la rédaction du guépard.net