3 jours auparavant c’est à dire le 26 décembre le président Alpha Condé, fraîchement investi pour un second mandat, nommait contre toute attente Mamady Youla, premier ministre. Un économiste, issu du secteur privé après un bref passage à la banque centrale. Dans la foulée de sa nomination, la classe politique était paradoxalement dithyrambique à son sujet. Même Cellou Dalein Diallo, le chef de file de l’opposition et plus farouche opposant au pouvoir, abondait dans le même sens.
Quelques jours après l’entrée en fonction du nouveau premier ministre et des membres du nouveau gouvernement, nos concitoyens découvraient dans la presse des révélations croustillantes sur le nouveau premier ministre et certains membres du gouvernement. En effet, ils ont découvert qu’il s’agirait d’un proche du fils du président Alpha Condé et que les 2, auraient des intérêts financiers communs. Il se dit même, que c’est ce dernier qui l’aurait proposé comme premier ministre à son père de président. Dans le même gouvernement, nous constatons la présence de l’ex épouse du président ainsi que celle du cousin de cette dernière: un système de copinage au sommet de l’Etat. Néanmoins, déontologie oblige, nous ne jugerons le gouvernement qu’en fonction des actes qu’il posera. Ceci étant dit, on peut tout de même estimer qu’il s’agit d’une entrée en matière difficile par la nouvelle équipe gouvernementale. Quand on sait qu’elle devra faire face à une situation économique catastrophique. Car tous les indicateurs sont aujourd’hui au rouge. Conséquences de l’épidémie ébola ayant affaibli l’économie du pays ces 2 dernières années. A cela s’ajoute, la prévarication et la gabegie financière à grande échelle de la précédente équipe gouvernementale. La croissance économique est en berne, l’inflation est galopante: elle est aujourd’hui à 2 chiffres. En prélude à l’élection présidentielle du 11 octobre 2015, le gouvernement s’est servi de la planche à billet pour financer la campagne du président Alpha Condé en se fixant pour objectif, d’obtenir le fameux « un coup K.O » c’est à dire la victoire dès le premier tour. Des nouvelles coupures de billets, appelées « kaléta » ( du nom du barrage hydroélectrique inauguré quelques mois avant le début officiel de la campagne présidentielle) par les habitants de Conakry ont servi à corrompre certains électeurs. Des billets de banque mis en circulation sans que les anciens ne soient retirés. D’où une augmentation exagérée de la masse monétaire. L’annonce de l’arrivée d’une mission du FMI (fonds monétaire international) fait couler beaucoup d’encre et de salive, les rumeurs vont bon train, on parle d’ajustement structurel et de dévaluation monétaire. Quand on sait que la monnaie est déjà fortement dévaluée. Chose étonnante, ceux qui sont responsables de ce désastre économique , ont été vite recasés. L’un des principaux et non des moindres, a été promu président de la cour des comptes. Une décision ubuesque, c’est comme si on donnait la latitude à un étudiant de corriger lui même ses copies d’examen et de s’attribuer les notes de son choix.
La situation sociale est explosive, le coût de la vie est de plus en plus cher, tandis que les salaires des travailleurs n’augmentent pas. En dépit d’une conjoncture économique mondiale favorable, avec la baisse du prix du baril de pétrole, le prix du litre de carburant dans les différentes stations-service du pays ne baisse pas. D’où la grève générale des principales centrales syndicales du pays au mois de février. Mamady Youla, sera t-il capable de relever le défi? Pour le moment, ses premiers pas ne rassurent pas. Après le rétropédalage de son gouvernement sur l’impopulaire décision d’interdiction de l’importatation des véhicules de moins de 8 ans, nous constatons une inaction du nouveau premier ministre et des membres de son gouvernement. Tel sa voix soporifique, le gouvernement est plongé dans une léthargie inquiétante. Mamady Youla a certes participé à un forum des investisseurs à Londres. Au-delà du fait qu’un tel événement puisse être bénéfique pour notre pays, on est en droit d’estimer, qu’il risque de ne pas apporter le résultat escompté. Car, il est difficile d’investir dans un pays, quand sa situation macroéconomique est atone.
Pendant ce temps, l’opposition ou du moins ce qui reste de l’opposition, est de plus en plus divisée et même à couteau tiré entre ces leaders. Alors qu’elle aurait dû valablement jouer son rôle de force de protestation et de proposition.
Quant aux forces vives de la nation: syndicats et société civile, en dépit des rodomontades suivies de la grève générale déclenchée durant quelques jours au mois de février, elles n’ont obtenu que très peu de résultat. D’ailleurs, elles font l’objet d’un certain scepticisme de la part d’un grand nombre de nos concitoyens. Il s’agit de l’idée selon laquelle, ses représentants, seraient des personnes cherchant des strapontins au sein de l’appareil d’Etat ou voulant leur part de gâteau dans la « mangeoire » de la république. En effet, après la grève générale de 2007, certains acteurs de ladite grève furent propulsés à des hautes responsabilités.
En attendant une prise de conscience des acteurs précités ou d’une proposition d’alternative crédible, les guinéens devront se résoudre à boire le calice jusqu’à la lie.